L'Outremangeur

Il s’appelle Louis, mais n’a de royal que le prénom. C’est un homme de 32 ans, blond aux cheveux en brosse, 1m77, yeux bleu. Il garde de l’adolescence des cicatrices d’une acné sévère. Il aurait pu être beau mais ne l’est pas. Il est difficile de dire pourquoi. Une absence dans le regard ? Un front trop bas ? Une mâchoire trop carrée ? À moins que ce soit la combinaison de tout ça. Il aurait pu être riche mais il ne gagne pas vraiment sa vie en combinant un emploi contractuel de surveillant dans un collège privé et quelques livraisons à l’occasion pour divers employeurs. Il n’est pas ce qu’on peut appeler un acharné. Ni dans le travail, ni dans sa vie, à quoi bon ? Il aurait pu être intelligeant mais est clairement un idiot. Il avait abandonné ses études après deux échecs au bac et en comprenant qu’il n’obtiendrait pas son diplôme à l’usure. Il est toujours le dernier à comprendre et doit feindre le rire avec ses amis, ne saisissant pas la justesse d’un jeu de mots ou l’humour d’une situation. Avoir une conversation avec lui tiens du miracle tant sa mécompréhension des concepts mêmes les plus simples est énervante, agaçante et rageante. Il est l’ami posé dans un canapé dont on se rappelle vaguement le nom mais dont on ignore pourquoi il a été invité.

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Il n’a d’opinion politique que celles des chaines d’information en continue. Il ne croit en rien ne pouvant saisir ce qui le dépasse. Il prend tout au pied de la lettre, au premier degré, sans avoir la naïveté touchante ou l’excuse de l’âge d’un enfant. Il est juste une nullité en histoire, en géographie, en culture général, en tout, simplement. Son monde intérieur, ses centres d’intérêt, ses passions se résument à un néant absolu et je n’exagère pas le moins du monde. Ni les femmes, ni la musique, ni la gastronomie, ni même la violence, le sport ou l’art n’arrivent à susciter une réaction de sa part plus longue qu’un « ah oui » ou un « ah c’est ça ? ».

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Il habite une chambre de bonne au 8e étage d’un immeuble haussmannien à Paris qu’il loue une petite fortune rapportée à la surface occupée, sans déclaration, bail ou assurance. Il est heureux de son autonomie, moins quand il faut prendre une douche ou se rendre aux toilettes sur le palier. Son mobilier est des plus simples, une armoire en tissus couverte de motifs floraux exagérément grandes afin d’y ranger ses quelques survêtements, sa parka, deux paires de baskets et quelques paires de chaussettes à côté de trois slips et de son caleçon des grandes occasions, un matelas une place posé à même le sol, une chaise de bureau à peine bancale trouvée sur le trottoir, non loin de son adresse, et qui fait face à une table en formica bleue verte où il a disposé sa machine à café et un réchaud électrique. Sous celle-ci se cache un mini frigo capricieux et bruyant qui lui vole son sommeil certaines nuits.
Un placard au mur, vestige d’un précédent occupant possédant des talents de menuiserie qu’il n’aurait jamais, fait office de garde-manger

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